- Geoffrey a écrit:
- Quelques infos complémentaires sur la capture au filet, à savoir avantages et inconvénients:
Avantages:
L'identificaton, qui nécessite parfois d'observer des détails anatomiques très discrêts, est toujours possible étant donné le contact de très près avec les animaux.
Inconvénients:
Les chiroptères ne tombent pas tous dans le piège ; les espèces à faible émission seront bien plus faciles à capturer que les autres qui détectent souvent le filet. De plus, il est difficile de placer un filet trop en hauteur pour capturer les espèces de haut vol. Enfin, les animaux capturés seront sujets au stress.
N.B.: la mise en œuvre de cette technique nécessite bien étendu une autorisation.
Les filets sont détectés oui. Le problème du filet c'est la surreprésentation de certains taxa (et donc la sous-représentation d'autres taxa). L'important c'est surtout savoir où et comment placer les filets pour que les individus soient
surpris. Les espèces à émission de basses fréquences (sous les 40 kHz) détectent les mailles de filet "de plus loin" (mal dit) et il est donc plus difficile de les capturer, aussi parce que ces espèces évoluent typiquement en milieu ouvert ou "semi-ouvert" et parfois à plus haute altitude que les autres. C'est le cas de
Tadarida brasiliensis qui peut voler à plus de 50 m du sol. Le pire, c'est en milieu urbain, la lumière les aides à détecter les mailles du filet (eh oui). Mais nos petites amies ont des points faibles. Surtout à proximité des gîtes de repos. Premièrement, elles ont besoin de boire et vont donc descendre à la surface pour s'abreuver aux points d'eau. Il est donc plus facile de les attraper en plaçant le filet
sur le point d'eau ou perpendiculairement aux corridors, comme les petites rivières et ruisseaux ou les petits chemins forestiers. Mais là, rien de nouveau sous le soleil. Ce qui me navre ce sont les biologistes qui manquent singulièrement d'imagination pour ne placer qu’un seul filet par point de capture et bien souvent dans un endroit bien en vue (car plus facile à poser) où l'individu aura très largement le temps de détecter les mailles (il faut
penser comme une chauve-souris me disait mon ex-directeur). Autant dire que c'est inutile. Il faut placer le filet de manière à toujours surprendre l'individu. Si possible, caché derrière quelques arbres, juste dans un virage ou juste après une dépression de terrain dans un corridor et JAMAIS au milieu de nul part. Les chauves-souris aiment emprunter les mêmes corridors pour se déplacer et lorsqu'elles connaissent bien le coin, elles se repèrent davantage en utilisant la vision et la mémoire (eh oui), ce qui économise de l'écholocation (crier à plus de 100 dB ça coûte énormément d’énergie). Mais l'endroit, ce n’est pas uniquement ce qui compte.
La bonne conformation DES FILETS est aussi essentielle. Dans un corridor bien dégagé (possibilité de s’échapper facilement), mieux vaut placer 3 filets en Z surtout dans un virage. Dans certains cas, les conformations en T ou en U sont à privilégier, surtout avec les frugivores et nectarivores. Avec une conformation en U autour d'un arbre fruitier, vous allez en attraper pas mal. Essayez la même chose avec un seul filet placé au même site et vous allez peut être attrapé un ou deux juvéniles inexpérimentés à tout casser. Attention de ne pas placer les filets plus de 3 fois au même endroit. Les chipies s'en souviendront et ne se feront plus avoir par la suite.
Pour les espèces à "vol haut", pas le choix que de privilégier les "canopy net(s)". Il est aussi facile de fabriquer un "canopy net" avec plusieurs filets et plusieurs piquets, assemblés les uns sur les autres. Il faut nouer chaque sangle à une corde coulissante que l'on pourra actionner rapidement en cas de capture en tirant sur ladite corde grâce à une poulie (montée sur le dernier tube). Eh oui, il faut savoir bricoler et surtout apprendre à se démerder avec ce que l'on a sous la main pour être écologiste...
Pour le piège à harpe, j'en ai utilisé beaucoup. J'en ai même fabriqué un (allé je me la pète un peu
). Je peux vous dire que ce n’est pas forcement optimal pour la capture à droite à gauche, mais que cela peut être un très bon outil sous certaines conditions. À la sortie d'une cave par exemple, c'est le matos idéal. On peut obstruer complètement la sortie et capturer beaucoup d'individus en même temps (bien que ce soit rarement nécessaire et donc sujet à caution). Par exemple, je ne recommanderais pas d'obstruer complètement la sortie d'une cavité avec un filet (comme on le voit sur l'image). Lorsque j'étais néophyte, j'ai eu le tour avec l'espèce
Tadarida brasiliensis: en 5 secs, pas moins de 50 individus pris dans un seul filet de 6x6m :s. Bref, quand on sait qu'il y a du peuple dans le refuge, mieux vaut déployer le filet sur une petite partie de l'ouverture pour ne capturer qu'un nombre suffisant d'individus (autrement dit, en laissant la grosse majorité aller bouffer tranquille). Avec une harpe, les individus ne se blessent pas (ou peu) et tombent tranquillement dans une toile d'où ils pourront être retirés sans aucune difficulté. On minimise le stress et optimise le temps de manipulation. Attention d'aller vérifier la toile plus souvent (toutes les 10 min) qu'avec un filet (toute les 20 à 30 min, parfois moins, parfois plus, en fonction du taux d'activité nocturne). Non seulement les bestioles risquent de s'échapper plus facilement, mais elles pourraient se noyer en temps de pluie, s’il n'y a pas d'ouvertures sur les côtés (bon ça c'est surtout valable en milieu tropical et avec du matos fait maison). Avec les filets aussi les individus peuvent s'échapper et laissent parfois de sacrés trous qu'il faudra recoudre avec de longues heures de patience (ça fait très mal quand on n’a rien capturé et qu'il y a un gros trou dans son filet). Là encore, les harpes sont plus faciles à restaurer, car il suffit de replacer les câbles de nylon pétés par la trop forte tension. Les problèmes avec la harpe, c'est surtout la faible surface de capture et la manipulation du matos. Mal monter sa harpe (les filins s'entremêlent) et c'est la mort assurée. Pour prévoir l’imprévu, mieux vaut avoir du matos de secours (filets de rechange pour plan B). Enfin tout ceci, n'est qu'une question de bon sens.
Difficile de pallier le stress avec les insectivores. Mieux vaut rapidement les placer dans des pochons en attendant qu'ils se calment (attention aux pochons JAMAIS sur le sol). Limiter le temps de manipulation à 15 min serait l'idéal (prendre des photos des indices permettant de différencier les espèces; attention au flash, protéger les yeux avec le pochon ou les mains au pire). Ce qui est sympa avec les frugivores et les nectarivores, c'est que l'on peut toujours apporter des fruits frais et/ou du jus de fruit à 100 %. On prendra alors soin de les nourrir avant de les relâcher pour pallier le coût et le manque énergétique dus à la capture. En plus, vous aurez surement la chance de constater un changement drastique de comportement des frugivores (dans mon cas,
Carollia perspicillata) après lui avoir présenté des morceaux de mangue (syndrome de Stockholm?). En quelques secondes, elles ne pensent plus du tout à se débattre ou vous mordre et certaines peuvent devenir très dociles (les moins agressives). En ce qui concerne ma petite
Carollia, je n'avais même plus besoin de la contenir, tant qu'il y avait de la mangue à se mettre sous la dent, cette vorace restait à nos côtés en nous ignorant presque totalement.
J'ai aussi constaté un étrange comportement lorsque la chauve-souris est calme, qu'on la tient dans le creux d'une main et la caresse délicatement. Je ne sais pas si on pourrait réellement parler d'état de relaxation vu les circonstances, mais l'attitude parait totalement...décontractée: la chauve-souris ne bouge plus et peut même fermer lentement les yeux, pour entrer dans un état un peu "léthargique" (attention, je ne suis pas un hippie). Il faudrait déjà prouver que les chauves souris sont bien sensibles aux caresses et que ce complètement n'est pas un artefact entièrement induit par le stress. On pourrait avancer l'hypothèse d'une sensibilité développée lors du soin maternel, bien que dans le meilleur des cas, les rejetons soient gardés 1 mois accroché à leurs mères. Je n'ai lu aucune étude publiée traitant du sujet. Pourtant c'est un phénomène "bien connu" des chiroptérologues mexicains et costaricains. À noter que j'ai constaté ce comportement chez plusieurs espèces à part les
Desmodus, naturellement très agressifs et qui cherchent à vous mordre quoiqu'il arrive. Il est d'ailleurs fréquent de capturer des mâles qui portent déjà des blessures suite à des combats entre membres du clan (comm personnelle, Rodrigo Medellin, Marco Tschapka). Pour la petite info gore, une membre de mon ex-lab (une vét) a fait une prise de sang à un collègue pour nourrir des
Desmodus lors d'une étude en captivité (d'habitude le sang est prélevé sur une vache).